La fabrique de l’information : les « vidéos verticales » du journal Le Monde.

Mardi 13 juin 2023, à l’initiative du Pôle Formation du Clemi, un groupe d’une quinzaine de formateurs a été reçu par Olivier Laffargue au service des vidéos verticales du Monde.

Le service des vidéos verticales : historique

Le service des vidéos verticales a pris ce nom en mai 2023.

Il est en partie l’héritier du service lancé par Snapchat en 2017  le discover, qui regroupait au départ huit médias qui publiaient du contenu exclusif sur Snapchat (Le Monde, Melty, Konbini, Vice, Cosmopolitan, Paris Match, l’Equipe, Tastemade).  Snapchat  mettait à disposition des médias  un back office, des outils de mesures d’audience et  leurs contenus étaient mis en avant sur la plateforme. Cette mise en avant n’est plus assurée aujourd’hui, le partenariat n’existe plus.

Il y a eu cinq refontes de ce service depuis 2016, dont en 2020, l’arrivée du Monde sur TikTok.

Frise chronologique Le Monde

Les refontes correspondent à des évolutions des plateformes de réseau social et de leurs publics.

Le format des contenus Snapchat du Monde a ainsi beaucoup évolué : au départ il y avait beaucoup de textes avec des système de « swipe up » pour approfondir un sujet et lire un article. Le service a démarré à partir des codes et exigences du Monde « papier » pour s’adapter petit à petit au public adolescent/jeunes adultes : incarnation des sujets par un journaliste, sujets concernant (écologie, santé, …), passage à la vidéo.

Pour voir à quoi ressemblait le Snapchat du Monde il n’y a pas si longtemps, consultez ce déclic critique consacré au sujet. [Attention : cette séance ne peut plus être utilisée telle quelle en classe, compte tenu des évolutions notables!]

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En 2023, le service vidéo a arrêté le format « 1 projet = 1 plateforme », car les plateformes se copient les unes les autres, et aujourd’hui chacune propose tous les formats : story, vidéo courte, post… Le public est segmenté sur les différentes plateformes, alors si un média veut toucher tous les publics, il a intérêt à diffuser des contenus identiques sur toutes les plateformes. Les formats longs fonctionnent auprès des jeunes, contrairement aux idées reçues. Les formats longs du Monde sont produits par le service des vidéos «horizontales» et diffusés sur le site du Monde et/ou sur Youtube.

Qui produit l’info publiée sur les réseaux sociaux par le Monde ?

Olivier Laffargue, chef de service, est journaliste, tout comme l’ensemble de l’équipe (une dizaine de personnes). La moyenne d’âge du service est d’environ 30 ans, ce qui est jeune, mais déjà au-delà de la moyenne d’âge des abonnés sur les réseaux sociaux.

Comment sont produites les vidéos ?

Les sujets sont choisis en conférence de rédaction. La ligne éditoriale se concentre sur l’explication d’une actualité, en se démarquant des concurrents qui sont sur l’actualité chaude (Brut, HugoDecrypt’, BFM…). C’est un journalisme de l’offre, même si les sujets choisis sont des sujets susceptibles d’intéresser l’audience.

Un sujet va donner lieu à une vidéo d’un format court (de 1 min à 3 min max). Pour une vidéo de 3 min, cela va nécessiter trois jours de production : le premier jour est consacré à la documentation et à l’écriture du script ; le deuxième jour, relectures (collégiale par l’équipe, par un rédacteur en chef, par les correcteurs) et tournage ; le 3e jour est consacré au montage, sous-titrage. Durant ces trois jours de travail, il y a de nombreuses étapes de validation : le chef d’édition co-construit avec le ou la journaliste en charge du sujet, c’est un travail collaboratif. Les vidéos du Monde sur Tiktok ou Snapchat sont des vidéos pédagogiques et de vulgarisation de sujets complexes (science, géopolitique, etc.) La vulgarisation ne doit pas conduire à des erreurs.  L’information est incarnée, le/la journaliste apparait « face cam », il y a un gros risque à dire quelque chose de faux, qui serait ensuite relayé et entrainerait un discrédit pour le média et la personne. Chaque journaliste traite un sujet intégralement et un seul sujet à la fois. La force de ce service est de s’appuyer sur les autres services du Monde. Chaque journaliste peut faire appel à des rubricards pour les analyses spécifiques, et faire appel également aux services cartographie et infographie.

Un exemple de production

(Cliquer sur l’image pour visualiser)

Mais comment intéresser? Susciter la curiosité ? Etre authentique sur un terrain où Le Monde n’est pas attendu ?

Sur TikTok, le délai pour engager la lecture de la vidéo est entre 0,4 à 0,6 seconde. Il y a donc un enjeu énorme sur l’introduction pour que la vidéo ne soit pas reléguée par les algorithmes et ne trouve pas son public. Le montage, la production, la musique qui rythme : tout est fait pour que le lecteur reste jusqu’au bout, mais il s‘agit d’un travail d’éditorialisation et non de marketing.

Pour quel public ?

Sur TikTok et Snapchat, 55% des utilisateurs ont moins de 24 ans. En 2017, une étude d’audience a été menée sur Snapchat : parmi les abonnés au compte du Monde, aucun lecteur du Monde papier. Il y a un suivi du nombre d’abonnés, de la popularité de telle ou telle vidéo, mais pas de données fines sur les utilisateurs. Ce public n’a pas d’idée préconçue sur le média, qui va être jugé sur ce qui est fait, diffusé.

Et qu’est-ce que cela rapporte ?

Financièrement, rien… Le Monde ne gagne pas d’argent via les productions diffusées gratuitement sur les plateformes. C’est plutôt une question d’engagement : il est important qu’il y ait de l’information de qualité. C’est aussi un pari à long terme : nouer un lien de confiance avec un public jeune, qui peut-être en grandissant, en devenant étudiant, franchira le pas de l’abonnement payant à un média. Est-ce que cela fonctionne ? On ne peut pas le savoir… L’édition numérique du Monde a connu une augmentation des abonnements pendant la crise Covid, ces abonnements se maintiennent.